DE JEAN AU CHRIST

Année A - II Ordinaire - (Gv 1, 29-34)                                                                                     Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes par Andrea De Vico, prêtre                                                           correction française: Nicolas Donzé, toxicologue;

Anne Mayoraz, éducatrice

 

 

      “Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde; c’est de lui que j’ai dit: ‘L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était’ ”

 

      La veille de cette étape d’Évangile, les lévites et les prêtres ont demandé à Jean si ce n’était pas lui, le Christ. Ainsi, Jean n’a pas fui devant la question, mais il a quand-même hésité, ne pouvant pas donner une réponse précise. Il a déclaré n’être qu’une simple “voix qui crie”. Nous pensons que le Baptiste faisait-là une déclaration édifiante d’humilité, mais en réalité il s’agit de l’effort d’un prophète qui cherchait à définir sa mission. Nous-mêmes, aujourd’hui, nous ne savons pas bien situer la figure de Jean-Baptiste: fait-il  partie de l’Ancien ou du Nouveau Testament? Est-il du temps de l’attente ou du temps de l’accomplissement? Alors on dit que Baptiste est une figure “de passage”.

 

     Le lendemain, c’est-à-dire dans le passage que nous venons de lire aujourd’hui, lorsque Jésus passe par le même endroit, Jean fixe son regard sur lui et dit à son entourage: “Voici l’Agneau de Dieu”. Deux des disciples du Baptiste (dont un était André) se détachent de lui et commencent à suivre Jésus, qui ne les rejette pas, mais les invite chez lui: “Maître, où demeures-tu ?” “Venez, et vous verrez” (Jn 1, 38-39). On voit bien que le Baptiste n’est pas jaloux de son cousin, bien au contraire: il invite ses disciples à suivre cet “agneau”.

 

      Plus loin, Jean enverra une délégation de ses disciples pour demander à Jésus: “Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?” (Lc 7, 20). Là aussi on remarque une certaine difficulté: le Baptiste l’a vu et a témoigné, mais il reste toutefois perplexe, il semble même douter de lui. Sur ce sujet,  il y a eu une discussion entre les disciples de Jean et ceux de Jésus, mais Jean a fini par réaffirmer son témoignage: “Lui, il faut qu’il grandisse; et moi, que je diminue” (Jn 3, 30)

 

      On peut lire entre les lignes de ces pages une difficulté de la communauté primitive, dans le passage d’une communauté “johannique” à une communauté “chrétienne”. Aujourd’hui encore, lorsque des groupes et des mouvements se forment dans l’Église, il y a une “phase johannique”, centrée sur la personnalité du leader, et il y a la “phase chrétienne”, lorsque le groupe regarde vers le Christ et atteint sa maturité. 

 

      Tant que le leader charismatique détient le leadership, tant que l’attention des autres est concentrée sur lui, le groupe n’est pas encore mature en tant que groupe. Les sentiments initiaux des membres qui en font partie vont de l’indignation prophétique au désir enthousiaste de réformer le monde, mais lorsque les personnes se décident de suivre les traces de Jésus, le groupe commence à grandir dans un sens ecclésial et devient un vrai groupe chrétien.

 

      À notre époque nous assistons à un phénomène étrange: il y a des nouvelles communautés plus ou moins étendues qui surgissent et se forment, étonnamment prospères en nombreuses vocations, et qui proposent de nouveaux styles de vie religieuse et de “sequela Christi”. Puis les scandales financiers et les tendances sexuelles de certains fondateurs dérangés, schizoïdes et moralement corrompus se manifestent, au point que certaines communautés ont dû trouver le moyen de maintenir le charisme en désavouant le fondateur. Il est difficile et douloureux de s’imaginer un Saint-Esprit qui offre à l’Église un indéniable fruit de sainteté à travers les abominations d’un fondateur. C’est une épreuve à laquelle nous n’avons jamais été confrontés. Dans la vocation comme dans la Foi rien n’est sûr, tout est toujours à reformer, à recommencer.

 

      De même, nous ne pouvons pas prétendre “connaître” le Seigneur une fois pour toutes. Parfois des gens, avec une légèreté immense qui frôle la présomption, s’en sortent avec des expressions du type: “Moi, je crois en Jésus-Christ!” “Moi, je passe mon temps à le servir et à le prier”. Bien sûr, il est facile de “croire” et de se mettre au service d’un “Jésus des tableaux”, si beau, si blond, si entouré de lumière et de douceur ... mais celui-là n’est pas l’agneau indiqué par le Baptiste, il est “il Signore delle signore”, “le Seigneur des dames!” 

 

      La Foi requiert une attitude bien différente: écoute, attention, vigilance, discernement, obéissance. Et quand j’aurai fait tout ce que j’avais à faire, comme Jean-Baptiste, même à ce moment-là je ne pourrai pas pavoiser dans le monde des certitudes rassurantes, car dans ce temps d’épreuve, les marges d’insécurité sont indispensables à mon chemin de Foi.

           

       Amen    

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