L’Épiphanie du Seigneur (Mt 2, 1-12)
Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes
par André De Vico, prêtre
correction française: Nicolas Donzé, toxicologue;
Anne Mayoraz, éducatrice
“Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent: Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui’ ”
“Epiphanie” signifie “manifestation”. Où le Seigneur s’est-il manifesté? Dans le palais du roi? Dans le temple de Jérusalem? Dans l’enceinte de la ville sainte? Non: Il s’est manifesté en dehors de “l’enceinte sacrée” de Jérusalem, dans un lieu normal, profane et quotidien. Et lorsque Jésus termine sa parabole terrestre, cela se produira sur le Golgotha, toujours en dehors de l’espace sacré, dans un lieu impur, maudit et contaminé, réservé à l’exécution de la peine capitale.
En fait, une fois arrivée à Jérusalem, l’étoile ne brille plus et les Mages perdent leur guide sidérale. Leur passage somptueux ne passe pas inaperçu, mais si la foi fait défaut dans une ville, même la preuve des signes célestes est obscurcie par le brouillard des intérêts humains. À la demande des Mages: “où se trouve l’Enfant?” “… le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui”. Une enquête est lancée, une commission théologique est nommée, le Sanhédrin et le conseil des anciens se réunissent, et il se trouve effectivement, dans des textes sacrés, qu’un roi devrait naître et restaurer la maison de David, épuisée et en pleine décadence, en tant que lignée royale. Les notables de la ville ont immédiatement commencé à mal penser. Ils ont eu peur de devoir changer de régime, de perdre les privilèges consolidés, et par conséquent ils sont hostiles à cet Enfant. Hérode pense à une compétition dynastique, et aux moyens d’éliminer son rival.
A travers la naissance de Jésus racontée par les Évangiles, nous pouvons lire en filigrane l’extrême refus que Jérusalem va lui réserver, trente ans plus tard, avec sa mort sur la croix. Le voile du Temple sera déchiré: ce sera la fin de l’Ancien Testament et l’abolition du sacré. Désormais, tout ce qui est décisif dans l’histoire, sera hors des espaces sacrés et des hiérarchies sacrées, politiques et religieuses. La nouvelle foi sera basée sur des bergers et des pêcheurs, sur des gens de métier. Le christianisme le plus authentique sera un phénomène séculier et populaire, quelque chose qui puise sa force à la base, même si historiquement il est difficile d’expliquer ou de justifier la reprise d’anciennes parures ou catégories de l’Ancien Testament. L’Église appartient au Nouveau, même si parfois on dirait que ce n’est pas vraiment la cas!
Par conséquent, la préparation d’une crèche est une expression laïque et populaire, il n’y a rien de liturgique ou de sacré qui puisse trahir un intérêt hiérarchique. La crèche se prête à différents niveaux de lecture, car elle raconte l’histoire d’une naissance qui, qu’on le veuille ou non, a changé l’histoire du monde.
Si j’ai la Foi, dans l’Enfant représenté je vois la Parole faite chair.
Si je suis un historien, j’y lis le passage du paganisme à la nouvelle religion chrétienne (mais est-ce vrai, avec tous ces chrétiens qui, après deux mille ans de christianisme, se révèlent plus païens que les anciens païens?)
Si je suis un cosmologue, devant la crèche je peux penser que, à partir de ce moment, le cercle de l’éternel retour des choses a été cassé par un événement linéaire grâce auquel le temps est devenu historique: du cycle à la ligne droite!
Si je suis un acteur social, dans le mouvement de la nativité provoqué par un impérialisme puissant et lointain, je lis toutes les difficultés des migrants contraints de se confronter aux problèmes de citoyenneté.
Même les laïcs les plus radicaux - ceux qui refusent la crèche comme une expression religieuse indue dans l’espace public - peuvent être rassurés, parce que la crèche est “laïque” et “populaire”, elle exprime les valeurs d’une communauté locale.
Et même les non-chrétiens: jusqu’à présent personne d’entre eux n’a jamais sérieusement dit avoir été offensé par une crèche. Après tout, les Mages représentent les traditions orientales, la participation est chorale, la scène est internationale, l’inclusion est la règle.
Les hommes ont une certaine tendance à diviser et à se diviser: “cela est sacré, cela est profane; cela est religieux, cela est laïque; cela est spirituel, cela est matériel …” En conséquence, il y a une dissociation entre le culte et la vie. Mais Dieu ne veut pas être enfermé dans un temple, dans une église ou dans une enceinte sacrée. Dieu veut habiter le cœur et la chair de l’homme, il veut qu’il Lui rende hommage par toute son existence, et pas seulement lorsqu’il arrive dans un lieu-dit “sacré”. Depuis que la Parole a épousé la chair, tout lieu est bon, et tout instant nous offre un grain de grâce et de salut.
Amen
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