Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fȇtes
Année C - XXXIV Ordinaire (Lc 23, 35-43)
par André De Vico, prêtre
correction française: merci à mes amis
“ ‘Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même!’ Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui: ‘Celui-ci est le roi des Juifs’ ”
En dehors du contexte de la passion, on ne peut pas comprendre la nature de la royauté du Christ. Nous le voyons mourir entre deux malfaiteurs. Le premier larron imagine un modèle mondain de royauté, il ne comprend donc pas, et il s’abandonne au désespoir: “N’es-tu pas le Christ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi!” Comme la foule et les soldats, ce pauvre homme s’attend une démonstration spectaculaire au dernier moment. À noter l’insistance sur ce “sauve-toi”: les notables le disent, les soldats le répètent, et maintenant le condamné également! Mauvaise façon, celle de sortir de ce monde en jurant et blasphémant!
L’autre larron, malgré la défaite évidente de ce “Royaume”, demande à y être admis: “Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume”. Il est un signe que ce dernier, contrairement aux autres, avait compris le “Royaume de Dieu”. Il y croit encore, il l’espère toujours, même cloué à côté de ce bien étrange “roi”. La réponse de Jésus est également étonnante: “Amen, je te le dis: aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis”. Pas à la fin des temps, comme nous sommes tentés de le penser, mais: “aujourd’hui”. Jésus règne et sauve “aujourd’hui” du haut de sa croix. Le monde de la résurrection commence “aujourd’hui”.
La croix devient ainsi une “clé” qui ouvre une brèche, une “passerelle” entre deux abysses, un “passage” entre deux régimes, un “radeau” providentiel qui traverse l’océan de douleur. Une croix sur le mur n’est pas une expression de sadomasochisme, comme on veut parfois reprocher à la piété chrétienne. Le sadomasochisme pourrait plutôt demeurer dans les yeux de ceux qui expriment de telles commentaires. Le vrai chrétien n’inflige pas, ni à soi-même ni à autrui, le prix d’une souffrance non souhaitée. La croix est un signe puissant pour tous ceux qui - fourbes comme le bon larron - parviennent à “voler” le Royaume avec un simple acte de foi! Il suffit de le demander!
Notez bien: le “paradis” dont Jésus parle ne correspond pas du tout à l’idée chrétienne (et dantesque) du paradis comme un lieu céleste. Dans le livre du “Henoch éthiopien”, un apocryphe de 176/165 av. J.-C., il est dit que le patriarche Henoch a été “enlevé” par Dieu et placé dans un “paradis” avec Élie et les Anges, dans l’attente du jour du jugement. Il s’agit donc d’un “jardin temporaire”, d’un “séjour des justes”, d’une “station transitoire”, d’une “salle d’attente”. Quand Jésus “promet” le paradis au bon larron, il utilise en fait la même image, le même genre de langage: il fait allusion au séjour des justes, prisonniers du Sheol, qui attendent le jour de la libération.
C’est comme s’il disait: “cette nuit même, tu descendras avec moi dans le royaume des morts et tu seras mon témoin lorsque je libérerai Adam et les justes de l’ancienne loi des griffes de la terre. Avec moi, tu ouvriras la voie à la paix et à la justice du Royaume”. La “promesse” de Jésus n’est donc pas l’équivalent d’un billet d’accès à un lieu privilégié de bonheur cosmique, mais c’est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus: “Je te considère mon associé dans cette grande affaire de la libération de l’homme, ce sera une opération que nous conclurons ensemble”.
Lorsque le temps de souffrir viendra, chacun de nous, confronté à la royauté de Jésus sur la croix, peut être représenté par l’un des deux larrons. Si, contrairement au premier, nous avions compris le sens de cette “promesse”, nos souffrances feraient “masse” avec celles de Jésus, contribuant à la libération de l’homme: nous serions avec lui, nous ferions la même chose qu’il a fait! C’est une belle leçon contre la banalité des sceptiques contemporains: “Le paradis? Que de braves gens, mais quel ennui!” En réalité ce n’est pas possible et nous ne devrions même pas imaginer, un “paradis” trop terrestre. La réalité finale, la destination de ce voyage de souffrance et de foi, dépasse de loin toute imagination: “Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé” (1 Cor 2, 9)
Amen
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