Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fȇtes
Année C - XXVIII Ordinaire (Lc 17, 11-19)
par André De Vico, prêtre
correction française: merci à mes amis
“ Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit? Les fait-il attendre?”
Avec sa prière obstinée, une petite veuve induit un juge malhonnête à lui rendre justice. Et nous, avec Luc qui l’enregistre, nous interprétons la parabole au vu de “la nécessité de toujours prier sans se décourager”. En d’autres passages, Luc, comme Paul insistent sur le fait qu’il faut prier “toujours” en “sans se décourager”: une prière assidue, continue, pour toute demande. La conclusion que nous en tirons est une vraie lapalissade: comme la pauvre veuve a fait, nous devons faire de même et prier avec insistance. Il est ainsi que nous nous avons brodé une belle vertu et nous l’avons appelée: “la persévérance dans la prière”.
En réalité beaucoup de chrétiens, suite à des exhortations de ce type, ont acquis un faux concept de la prière, et il se mettent à prier comme si Dieu avait besoin de leur paroles. Une marée verbale, une loquacité pathologique, une logorrhée verbale qui se manifeste dans la prière! Pour finir, quelle nuisance ce Dieu qui veut être à tout prix prié! Même les enfants l’ont remarqué: autant que vous vous concentrez en disant “cher enfant Jésus”, il n’y a toujours rien qui se passe! Il est logique que lorsque les malheurs arrivent, tout soit de sa faute: il n’est jamais à l’écoute! Pourtant le Maître l’avait dit: quand vous priez, ne soyez pas comme les païens, ne multipliez pas les paroles!
Et nous, en réponse, au lieu de prier avec “la” Parole (la sienne), nous nous sommes engagés à prier avec “les” paroles (les nôtres). A cause de ce malentendu, un fidèle en difficulté pourrait s’en prendre à Dieu comme s’il était à l’origine de son malheur. En réalité, si je réagis mal, cela veut dire que je suis mis à l’épreuve non par Dieu, mais par le faux concept que je me suis fait de Lui. Si je ne vois pas le piège, je finis par m’enfermer dans mes pensées de rébellion et je vais perdre la clé pour accéder à la miséricorde divine.
Nous sommes désolés pour Luc, qui reste toujours un témoin privilégié des paroles de Jésus; nous sommes aussi désolés pour ces enseignants qui à la suite de Luc ont détourné le discours, en préconisant “la persévérance dans la prière”, mais ici le Maître est en train de dire autre chose. La figure principale de la parabole n’est pas la veuve pauvre, mais le juge malhonnête, mis en antithèse avec le juge suprême, Dieu, avec qui nous n’avons certainement pas besoin d’être aussi ennuyeux que cette pauvre femme. En fait, l’enjeu n’est pas le problème de la prière et de son efficacité: il s’agit ici de la justice de Dieu, qui semble tardive ou fugitive dans l’histoire. La pauvre veuve qui demande justice représente la grande majorité des êtres humains, faibles, sans défense, maltraités, sans droits … Jésus nous assure que les cris de cette grande masse de pauvres gens qui protestent à cause de leur état sont des prières authentiques qui ne peuvent pas rester sans réponse.
Tout se joue sur la soif de justice de tant de braves gens qui, faisant l’expérience de la pauvre veuve, ont le sentiment d’être abandonnés de tous, même de Dieu. Le discours de Jésus comporte en fait deux termes de comparaison: si un homme mauvais et de parti pris comme ce juge injuste, est “forcé” de faire justice (ne serait-ce que pour se débarrasser d’elle), pouvons-nous imaginer que Dieu ne sache pas comment faire mieux pour ceux qui nuit et jour pleurent vers Lui? Soyez assurés que l’intervention du Juge divin est une chose certaine: “il leur rendra justice rapidement”, sans lenteur procédurale. Il n’est donc pas dit que nous devions commencer à prier en imitant la pétulance de la vieille femme, au point de dégoûter les oreilles du Père éternel. Du reste, dans certains cas, il existe déjà des personnes qui exercent ce ministère de “casse-pieds” de la patience divine.
Ainsi, il y a beaucoup de prières qui ne sont pas des prières, mais de vraies fausses notes dans le mystère de la création. Les “déformations” de la prière sont nombreuses. Il y a “les prières occasionnelles” de ceux qui se présentent uniquement dans le cas de mariages, funérailles, fêtes et anniversaires. Il y a “la prière incohérente”, dont le contenu contraste avec l’action pratique: “la messe est finie, allez en paix”, et tout le monde pousse un soupir de soulagement. Au lieu de la paix, ils ont gagné la satisfaction d’avoir payé la taxe religieuse du dimanche. Ensuite, il y a “la prière manipulatrice”, celle qui est faite dans le but d’obtenir quelque chose de concret: donne-moi une bonne santé, laisse-moi bien passer mon examen, laisse-moi trouver l’homme ou la femme de ma vie. Même dans ce cas, Jésus a été clair: vous n’avez pas besoin de faire de telles prières, car le Père céleste sait déjà de quoi vous avez besoin! Enfin, il y a “la prière hypocrite”, lorsque la prière n’est que formelle, professionnelle, à titre payant: toutes ces messes et tous ces chants aux visages suspendus aux saules de Babylone!
Il y a beaucoup de prières inutiles qui ne montent pas très haut. Au paradis, les agents des services postaux écartent toutes les questions et transmettent la question évangélique par excellence, la plus importante de toutes: “rends-moi justice!” Seule la “soif de justice” passe devant Dieu comme “courrier prioritaire”. En fait, la prière autorisée par Jésus n’est qu’une: celle qui concerne les intérêts du Royaume et de sa justice, comme on le voit bien dans le “Notre Père!”
À ce point-là, nous aurions dû le comprendre: le but de la parabole, sur les lèvres de Jésus, ne consiste pas en une invitation banale à prier de plus en plus (pour qu’elle grandisse, comme la foi de l’autre dimanche passé), mais pour montrer que la prière ne s’intéresse qu’à une chose fondamentale: la justice! En fait, le passage se termine de manière violente et inattendue: “Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?” Cela semble être une question rhétorique qui attend une réponse négative. En réalité la question de Jésus, terminant la parabole de la pauvre veuve et du juge malhonnête, provoque une authentique “révolution copernicienne”: Jésus déplace l’axe de la justice de Dieu vers nous.
Normalement, nous sommes habitués à confier tous les problèmes insolubles à la justice divine, et à nous méfier de Lui quand cette justice ne se manifeste pas. Mais la question de Jésus nous amène à une conclusion opposée. Le vrai problème n’est pas l’intervention de Dieu dans l’histoire, car c’est certain et il y en aura, mais c’est la qualité de notre foi!
Cela signifie que lorsque les malheurs arrivent et que je fais appel à la justice divine, Dieu me prend sur la parole et il vérifie ma foi, c’est-à-dire le service que j’aurai pu rendre à une humanité abandonnée, misérable, affamée. Chaque fois que je pose le problème de la justice à Dieu, cela me tombera sur la tête, à ma charge ou à ma décharge. D’où mon engagement pour que “le Fils de l’homme”, lorsqu’il viendra, puisse trouver la foi - c’est-à-dire la justice - sur la terre!
Amen
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