Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fȇtes
Année C - XII Ordinaire ((Lc 9, 18-24)
par André De Vico, prêtre
correction française: merci à mes amis
“ Jésus leur demanda: ‘Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui suis-je?’ Alors Pierre prit la parole et dit: ‘Le Christ, le Messie de Dieu’ ”
Le terme grec de “christ” est la traduction de l’araméen “mashiah” (messie) qui signifie: “oint”. Le “chrisme” est l’huile, et le mot même de “chrétien” veut dire “oint”, “désigné” pour une mission. Le symbole de l’huile était - et reste encore - chargé d’immenses significations: don de la nature, bien essentiel, beauté et fécondité, paix et alliance, force qui purifie, guérit, parfume, fortifie les muscles et donne la mission. On voit bien qu’il y a une “pression” qui s’exerce le long de notre vie: nous sommes “pressées” par une charge de précarité, de difficultés, de preuves, de scandales, de divisions, de crises, de schismes … Le fruit de l’olivier, soumis à la presse, devient de l’huile: le jus d’un côté et les déchets de l’autre, un processus indispensable et providentiel. Si en pressant le fruit de l’olivier nous obtenions de l’huile, en “pressant” l’humain nous aurions l’esprit!
Dans le monde biblique les personnes désignées pour l’exercice d’un service en faveur du peuple recevaient une investiture particulière, par le moyen d’une onction faite sur la tête et sur le front: c’est le cas des rois, des prêtres et des prophètes, les plus hauts ministères du temps. Les chrétiens utilisent cette huile pour le baptême et la confirmation, pour la consécration des diacres, des presbytères et des évêques. L’huile est en tout cas la même, mais elle donne à chacun sa mission particulière. L’homme biblique, de son cȏté, attendait un “oint” spécial, un “messie” ou un “christ” tout a fait diffèrent des autres parce que sa mission - non impossible - était vraiment spéciale: instaurer le Royaume de Dieu sur la terre.
Confronté à la demande de Jésus, Pierre reconnaît en Lui le messie attendu par des générations. Mais la réaction de Jésus l’émerveille, et il interdit aux apôtres d’en parler: l’opinion publique n’en doit rien savoir. Puis, le Maître fait un étrange discours à propos de certaines souffrances, certaines défaites et tribunaux injustes, avec un final bouleversant: la résurrection. Voilà un messie et un christ bien étrange, qui ne parle pas en termes de triomphe ou domination militaire, mais qui assimile sa fonction à un personnage bien étrange: le “serviteur souffrant” dont Isaïe avait déjà parlé. Ce “servant” est quelqu’un qui donne sa vie pour le rachat des autres et qui, malgré avoir été battu et humilié, gagne sur ses ennemis grâce à la douceur de l’amour.
À notre époque moderne, l’idée messianique revient de manière récurrente. Le communisme, par exemple, est une détérioration de la vision messianique de l’histoire. Le peuple élu de la classe ouvrière aurait du abattre la bourgeoisie, en instaurant un régime de justice et d’égalité. Le nazisme aussi est une idée dégénérée du messie et du peuple élu: Hitler aurait du guider la race ariane dans la domination sur les autres. Mȇme la science peut générer un messianisme dangereux quand, par exemple, elle promet de résoudre tous les problèmes de l’humanité. La pensée positiviste du siècle 1800 assurait un futur lumineux de l’humanité, grâce aux progrès technologiques, idée que certains mélancoliques d’aujourd’hui ont encore de la peine à abandonner. Les esprits les plus judicieux ont compris que la science et la technique, en elles-mêmes, ne garantissent absolument rien.
Même le monde du cinéma, de la bande dessinée, des jeux video et des dessins animés ressortent des idées trompeuses d’un messianisme faussement similaires. Il y a toujours un héros, un sauveur, un superman qui arrive à la dernière minute et bat tout d’un coup les ennemis de l’humanité. La violence ne manque jamais, avec pour but de ridiculiser et détruire l’ennemi du moment. L’éclat final de la violence est l’acmé de toute l’action, saluée par un cri d’enthousiasme. Là, il devient alors difficile d’expliquer aux enfants que la justice peut être rééquilibrée non “en enlevant” la vie aux autres, fussent-ils même les pires ennemis, mais “en la donnant”, comme l’a réalisé ce messie particulier du nom de Jésus.
De mȇme, de nombreux chrétiens ne sont plus disposés à regarder la douleur de ce messie comme chemin de sa réhabilitation, mais bien au contraire, ils se rongent le foie (et leur foi) par la colère, la rage, l’impuissance et la désagrégation. Ce sont des chrétiens qui vivent les “passions tristes” de leur époque et qui souscrivent à au syllogisme moderne qui suggère que: “rien n’existe, moi j’existe, donc je ne suis rien”.
En réalité, le chrétien qui veut donner une valeur à ce qu’il est, doit répondre à la précise et fondamentale question de son Maître: “pour toi, qui suis-je?” Cela va le sauver!
Amen
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