Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fȇtes
Année C - II de Pâques (Jn 21, 1-19)
par André De Vico, prêtre
correction française: merci à mes amis
“Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment? Oui, Seigneur! Toi, tu le sais: je t’aime”
La mer de Galilée, autrement dit “Lac de Tibériade”, a été le site privilégié de la prédication de Jésus qui a visité plusieurs fois les localités qui entourent le lac, en le traversant en barque. C’est là qu’il a choisi ses premiers disciples, des pêcheurs à la vie simple, associés en des petites coopératives obligés à verser une partie de leurs bénéfices aux publicains, qui étaient les banquiers de l’époque. Il y avait la coopérative de la famille de Jonas, avec ses fils Simon et André, et celle de Zébedée, avec ses fils Jacques et Jean. Personne n’aurait pu prédire que le monde allait changer à partir de ces endroits si déprimés et marginaux, loin des grandes capitales du monde de l’époque!
À propos de la Galilée, portons notre attention sur un détail non négligeable du discours de la dernière Cène. En annonçant sa fin prochaine, Jésus fixe aux apôtres un rendez-vous bien étrange: “Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée” (Mt 26, 32). Normalement, une personne qui est sur le point de mourir ne donne pas de rendez-vous, étant donné que le dernier rendez-vous est celui avec la mort. Pourtant Jésus demande à ses amis de revenir sur les lieux d’où ils étaient partis, là où leur aventure était commencé: la Galilée! Dans le même contexte de la dernière Cène, Jésus déclare: “Simon, Simon … j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères” (Lc 22, 32). Pierre, au fort tempérament si enthousiaste, réplique: “Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort” (Lc 22, 33). Jésus lui répond: “Je te le déclare, Pierre: le coq ne chantera pas aujourd’hui avant que toi, par trois fois, tu aies nié me connaître” (Lc 22, 34). En effet, la nuit de la Passion, trois fois de suite, Pierre, effrayé par la tournure des événements, déclare ne pas connaître cet homme et de ne pas être un Galiléen: “Non, je ne le connais pas” … “Non, je ne le suis pas” … “Je ne sais pas ce que tu veux dire” (Lc 22, 57-60). Un coq commence à chanter à l’instant même où Jésus croise son regard avec celui de Pierre, qui se souvient alors de ce que Jésus lui avait dit, la veille au soir! Sorti au-dehors, Pierre pleure amèrement (Lc 22, 61-62).
La référence à la Galilée est essentielle même le jour de la résurrection, nous la retrouvons sur la bouche de l’ange: “Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre: ‘Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit’ ” (Mc 16, 7); “L’ange prit la parole et dit aux femmes: … ‘Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit … vite, allez dire à ses disciples: il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée; là, vous le verrez’ ” (Mt 28, 5-7). Pourquoi la Galilée, encore une fois? Apparemment, menacés par les événements, les onze ont du oublier ce “petit détail” du rendez-vous: il n’y pensaient plus! Les femmes reviennent du sépulcre avec cette parole que seuls les intimes présents le soir de la dernière Cène peuvent reconnaȋtre, une sorte de “mot de passe” ou “mot d’identification”. Ce “comme il vous l’a dit … comme il l’avait dit …” résonne comme un réveil, comme un pincement pour dire aux onze: vous voyez bien que c’est moi, je vous l’avais dit! Le rendez-vous en Galilée n’est donc pas un détail superficiel: il fait partie de la dynamique de la résurrection! En effet, peu de temps, après les apôtres retournent en Galilée, mais ils reviennent à la vie normale, ils vont à la pêche comme auparavant, ils doivent quand-même vivre! Nous les retrouvons aujourd’hui en train de faire le bilan d’une sortie infructueuse de pêche. Jésus se présente, après trois ans de vie commune et trois jours de désastre total, comme si rien ne s’était passé, comme si c’était le jour de leur première rencontre, comme si c’était la première fois qu’il arrivait là et non!
Pierre se retrouve face à l’homme qu’il avait renié: qu’est-ce que ça lui fait? Essayons d’imaginer l’embarras terrible, la confusion et la douleur qu’il éprouve, en même temps que la surprise et la joie de le retrouver vivant devant lui! Jésus n’alourdit pas le sentiment de ce pauvre homme qui avait nié le connaȋtre. Jésus ne lui fait aucun reproche mais lui pose trois fois la même question, comme on fait avec les petits enfants: Pierre, m’aimes-tu? M’aimes-tu vraiment? M’aimes-tu plus que les autres? Le triple déni est guéri par une triple réponse d’amour. Jésus lui-même apaise la douleur de celui qui l’avait renié. Le pardon et la confiance que Jésus lui accorde font de lui un homme nouveau, plus fort, plus mature. Jésus confie son Église à Pierre, qui restera fidèle jusqu’à la mort. Le timide et peureux pȇcheur de Galilée, définitivement “converti”, se lance sur les chemins du monde pour finir crucifié la tête en bas, comme il l’avait souhaité, par respect pour son Maȋtre. La prière que Jésus avait fait pour la foi de Pierre lors de la dernière Cène a eu son effet!
Le rendez-vous en Galilée est aussi important pour notre vie spirituelle. Quand c’est la crise, quand la vocation est en danger, quand la mission ne donne pas de résultats, quand dans un mariage tous semble couler, c’est le temps de la foi, c’est le moment d’insérer “le mot de passe de la résurrection” et “revenir en Galilée”, là où tout a commencé, là où l’amitié est née, là où l’amour a germé. Pour les conjoints en particulier, la “Galilée” est l’autel où leur couple a commencé.
Jésus pardonne la faute de Pierre tout en montrant ne pas l’avoir oubliée. Même pour nous, le souvenir du mal commis ou reçu ne doit pas faire obstacle au chemin qui va suivre, au contraire: le fait de se rappeler de quelle manière nous avons été pardonnés et soulagés, nous donne un élan nouveau et multiplie par trois la mesure de l’amour! Au contraire, les personnes qui préfèrent rester coincées dans leurs tragédies relationnelles disent: “il est impossible de pardonner parce qu‘il est impossible d’oublier”; “je pardonne, mais je n’oublie pas”. Pourtant Jésus lui-même a pardonné sans oublier! Est-ce qu’elles pensent que Jésus est assez naïf pour nous demander l’oubli impossible d’un tort subi? Il est bien normal qu’on n’arrive pas à oublier, mais on peut en tirer un bénéfice, si nous sommes assez intelligents pour transformer le souvenir du mal subi en reconnaissance envers celui qui nous a pardonné comme il l’a fait avec Pierre!
Avec la troisième manifestation du Ressuscité et la triple profession de Pierre, l’Évangile de Jean se termine et le temps de l’Église commence. Les Apôtres laissent leurs embarcations pour toujours. Ils sont devenus des “pȇcheurs d’hommes”, comme Jésus le leur avait annoncé la première fois, le jour où il les avait rencontrés, sur ces mêmes rives!
Amen
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