Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes
par André De Vico, prêtre
Année ABC - Pâques - Messe de la Nuit (Mt 28, 1-10; Mc 16, 1-8; Lc 24, 1-12) correction française: merci à mes amis
La scène nocturne de la Création nous montre la victoire du “cosmos” sur le “chaos”. L’ordre divin sur la Création veut que toute chose “passe” de la non-existence à l’existence, d’un état indifférencié vers un état d’ordre majeur. En fait, le mot hébraïque “Pesah”, “Pâques”, signifie “passage”. L’ancien rédacteur biblique indique ce processus par le nom de “Création”, ce qui veut dire: “donner une forme, une vie, une âme” à quelque chose qui avant n’existait pas. La Création est donc la toute première Pâques du monde: la Pâques de la Création! “Cosmos” en grec, et “mundus” en latin, , se traduisent dans les deux langues par “beauté” et “ordre”. Nous retrouvons d’ailleurs une trace évidente de cette signification dans des mots courants tels que “cosmétiques”, “im-mondice”.
Mais comment passe-t-on du “chaos” au “cosmos”, de l’être indifférencié à la vie organisée ? Qu’est ce qui a pu générer ce changement progressif des êtres plus simples vers des êtres plus complexes? La matière, elle seule, est-elle en mesure de “produire” la structure la plus complexe de l’univers, le cerveau humain, jusqu’à “donner vie” à la conscience?
D’un côté, le “comment” cela se produit, se comprend toujours mieux, grâce aux connaissances scientifiques de plus en plus sophistiquées, mais le “pourquoi” cela se produit, nous plonge dans la nuit noire de l’ignorance, encore à l’âge des cavernes. Étonnamment plus on progresse dans la connaissance: “qu’est-ce que l’homme”, et moins on est en mesure de répondre à la question: “qui est l’homme”. Nous connaissons l’homme tel qu’un “objet”, mais nous ne savons pas vraiment grande chose de lui en tant que “sujet”.
Certaines spéculations envisagent que le vie surgit “par hasard”, tandis que la successive évolution des vivants se passe “par nécessité intime” mais … par quel prodigieux miracle “le hasard” se serait-il changé en “nécessité?” On voit bien que le hasard est “capricieux”: comment a pu-t-il se permuter en un “devoir être comme ça?” Par ailleurs, dans la nature il existe des anomalies, des erreurs, des désastres, des générosités inutiles (comme le pollen au printemps ou les 15 millions de spermatozoïdes d’une seule heure d’amour), des cruautés animales horribles et des mécanismes qui ont même réussi à provoquer la totale destruction d’innombrables formes de vie, raisons pour lesquelles il est inutile de chercher un but, une finalité, en ce mouvement apparement totalement aveugle.
Dans un beau passage, en parlant de Saint Basile, Benoît XVI exprime un sentiment de tristesse à cause de la “tromperie” qu’un certain athéisme construit: “Je trouve que les mots de ce Père du IV siècle sont d’une actualité surprenante, quand il dit: ‘Certains, trompés par l’athéisme qu’ils avaient accueilli en soi, imaginèrent un univers dépourvu de guide et d’ordre, comme s’il était à la merci du hasard’. Combien de ces ‘certains’, aujourd’hui! Trompés par l’athéisme, ils estiment et cherchent à démontrer que c’est conforme à la science de penser que le tout soit sans guide et sans ordre. Le Seigneur avec les Écritures Saintes réveille le sommeil de la raison et dit: ‘au commencement, c’était la Parole créatrice’. Cette Parole qui a créé le tout, qui a créé ce projet intelligent qu’est le cosmos, tout de même, est amour!” (Audience Générale du 09-11-05)
Il s’agit d’une remarque qui ne veut certainement pas vexer l’intelligence de ceux qui parcourent la voie de l’athéisme. Il ne s’agit pas non plus, d’une notion qui veut encourager des positions identitaire, creusant un fossé entre “nous” et “les autres”, bien au contraire! Nous avons les mêmes défauts que les autres, et cela nous arrive à nous aussi de nous tromper et de faire fausse route, même comme hommes d’Église et personnes de foi. Nous avons même su faire un usage manipulateur et pervers de l’évangile et du sacré. Si nous étions des êtres parfaits, nous serions des divinités bien installés sur la tour de notre “ego” pour mieux profiter de la vie des autres, de leur liberté, de leur sang. De la même manière, un athéisme qui cherche sa justification dans les perversions de la religion, s’avère une tromperie au carré. Et si nous voulons faire l’apologie d’une religion assiégée par l’athéisme, la tromperie s’élèvera à la puissance du cube, nous nous n’en sortirons jamais, et personne n’aura rien gagné.
La très belle et poignante solennité du film “Interstellar” montre le sentiment d’un homme face à un univers hostile, réfractaire à l’exploration, aux planètes inhospitalières, et des confins lointains aux barrières temporelles insurmontables. Il n’y a pas de références religieuses, le cosmos n’offre pas de possibilités de salut, donc l’homme cherche à s’en sortir tout seul, sans aide externe, ni de la part d’aliens ou même de Dieu. Le protagoniste reste coincé dans un “tesseract” (figure géométrique complexe) duquel il ne pourra se libérer. Une incroyable échappatoire que le directeur athée réussit à s’inventer et à offrir à son héros, c’est l’“amour” pour sa petite fille. Ah, heureusement dans l’univers “quelque chose” existe, et s’appelle: “amour!” Mais le temps d’une homélie suffit au Pape pour le dire, “Interstellar” a dépensé des millions de dollars en effets spéciaux pour raconter cet amour plus fort que le cosmos, entre un père et sa petite fille.
En outre, si dans “Star Trek” la devise pourrait être “audace, exploration et connaissance”, “Interstellar” dégonfle tout propos de connaissance en un léger “stay home”, “reste chez toi” “ne pars pas”. Ainsi l’humanisme athée d’ “Interstellar” révèle une étroite parenté dans l’ancien paganisme, quand les hommes, intimidés par les forces de la nature et les caprices du destin, trouvaient le réconfort des représentations anthropomorphiques des phénomènes naturelles. Mais les dieux de la nature, envieux de la félicité humaine, avaient trouvé le moyen de les retenir au niveau de la surface terrestre, comme l’univers athée d’ “Interstellar” l’a fait. Il y a donc une certaine forme d’athéisme qui consiste à s’empêcher d’aller plus loin: “Star Trek” cède sa place à “Stay Home”, tandis que la Pâques nous donne l’ordre de: “Franchir la Passe!”
Les textes que nous lisons la nuit de Pâques nous offrent une meilleure direction à suivre. Il y a une “Parole” qui a créé le monde, qui est intervenue dans l’histoire de l’homme avec une force de libération, et qui en troisième lieu, dans la personne de Jésus, a vaincu le péché et la mort. Ces événements liés à la Parole impriment une accélération à nos engagements, et nous montrent en quel sens le temps est vraiment “relatif”: “annoncez, faites vite, ne perdez pas de temps!” Nous qui le suivons, nous devons agir de la même manière: créer, libérer, assainir! Ce faisant, la mort n’aura pas le dernière mot, et nous aurons participé à l’œuvre divine: donner au cosmos la victoire sur le chaos!
Amen
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