Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes
Année C - IV de Carȇme (Lc 15, 1-3.11-32)
par André De Vico, prêtre
correction française: merci à mes amis
“Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai: ‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers’ ”
Dans le catéchisme nous avons connu ce récit sous le titre: “La parabole du fils prodigue”, vu comme un discours moralisateur qui invite les pécheurs à rentrer à la maison du Père, que serait l’Église. Mais Jésus voulait dire autre chose, et si on voulait donner un titre plus exact à ce récit, ce devrait être: “La parabole de la miséricorde du Père”. Superficiellement, il est vrai que le protagoniste de l’histoire est ce fils indigne qui fait son retour. En fait, si on y approfondit le texte, la parabole met en évidence l’action d’un père - Dieu - par rapport à ses deux fils: l’ainé, apparemment resté fidèle, et le deuxième, qui se perd, avant de revenir. Voyons ce qui se passe.
Dès le début, le récit montre une certaine tension entre ces deux frères, un air de tempête. En fait, le deuxième décide de partir, non pas à cause du père, ou parce que la maison lui parait trop étroite, mais à cause du grand frère avec sa dévotion servile aux ordres de son parent, son application maniaque au travail, ses droits de premier né rappelés à tout instant … Ce grand frère est à l’origine de ce conflit, et il est devenu tellement insupportable que cela pousse l’autre à la fuite. Ce père se retrouve devant un fils qui réclame sa part d’héritage pour s’en aller, et l’autre qui reste à la maison cultivant une méchanceté envieuse contre son petit frère. On le voit tout le temps occupé au travail, à gratter la terre, obsédé par les revenus de l’entreprise familiale. En effet, quand l’autre revient, il rappellera à son père: “il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis”. Evidemment, c’est sa mauvaise conscience qui parle: rien ne l’empêchait de faire la fête, sinon l’attachement au travail, mais comme le frère revient, il crache sa jalousie à la figure de son père, comme s’il était à l’origine de son malaise.
Dans la parabole, ces deux champions de fraternité ne se rencontrent jamais, ou alors ne se voient qu’une seule fois, lors du partage de l’héritage. Le fils indigne, au sommet de sa vantardise, se retrouve dans la misère la plus noire. Que lui reste-t-il? Le souvenir! Et de quoi se souvient-il? De la maison, du pain frais, de la table, des ouvriers qui ont la chance de planter les crocs dans une belle brioche qui sort du four … Il se souvient également du père - en tant que père, non - parce qu’il a déjà décidé de se déclasser, en se proposant de devenir un ouvrier. Par contre du frère aîné, aucune allusion. Quand, réduit à l’état de mendiant, il se présente à la maison, l’autre refuse d’entrer.
Jésus raconte cette histoire pour pouvoir se défendre de ses adversaires qui l’accusaient publiquement de fréquenter les pécheurs, les prostituées, les percepteurs d’impôts … Il dit que Dieu est fait comme ça: d’un côté, il attend le retour du “pécheur repenti” - même si sa repentance n’est pas totalement sincère - et de l’autre, il cherche à convaincre le fils “fidèle” qui au retour de son frère refuse de rentrer à la maison, rongé par la terrible morsure de la jalousie. Á ce point là, scribes et pharisiens comprennent qu’il s’agit d’eux, si bien représentées dans l’image du fils ainé. L’auto-défense de Jésus fonctionne de manière brillante: “si Dieu fait ça, je suis aussi autorisé à le faire!” Grands applaudissements d’un côté, et envie noire de l’autre. L’histoire ne dit pas si l’aîné est finalement rentré dans la maison, en acceptant le retour de l’autre. Pratiquement, Jésus dit à ses adversaires que la fin dépend d’eux: “vous qui aimez tant la religion et vous observez la loi de Dieu, êtes-vous disposés à entrer dans son Royaume, avec toutes ces gens que vous détestez?”
La question nous concerne directement. Les églises se vident et les pratiques religieuses se raréfient. Ceux qui s’en vont, accusent l’hypocrisie de ceux qui restent. Les jeunes se dispersent, et les esprits les plus brillants s’indignent pour la mauvaise image de l’Église actuelle. Tout ce qu’il reste, c’est une religion suspecte, épuisée, routinière, stérile et sans futur.
De cette façon, d’un côté, il y a ceux qui - come le fils mineur - abandonnent l’Église et la foi, même avec douleur, sans vouloir s’engager en une morale, qui à leur avis limite leur liberté, sans se poser trop de question et devoir en rendre compte à quelqu’un. Ils se fient à leurs ressources, et ils s’abandonnent à toute sorte de désordre et de sensualité. De l’autre, voici ceux qui ressemblent au frère aîné, les pécheurs convaincus de ne pas être tels, qui pensent être toujours du bon côté, d’être les premiers, de n’être pas nécessiteux d’une conversion, d’être autorisés à juger le prochain au nom de Dieu.
La catégorie des “catholiques pratiquants” est plus proche du modèle pharisaïque du fils aîné. En effet, certains “pratiquants” écoutent la Parole de Dieu tous les dimanches, manifestent un attachement exagéré à l’Église, aux traditions et aux cérémonies de la communauté, mais en dehors de l’Église ils ne reconnaissent pas cette Parole dans le visage de leurs frères. Ils posent des actes religieux et des prières qui ne se traduisent pas en actes de miséricorde et de charité. En dissociant le culte de la vie, ces frères aînées qui se croient être les premiers, au lieux de faire le bien, génèrent d’immenses dégâts à l’Église: à la fin de la Messe, la vie c’est autre chose.
Pour finir, il y a deux manières de commettre un péché: abandonner l’Église, et y rester. Il est donc inutile de pleurnicher à toute occasion pour les églises qui se vident et les gens qui ne collaborent plus, ou de penser en termes de “catholiques pratiquants” ou de “catholiques non pratiquants”, alors que le vrai problème est ailleurs. Il se cache dans cet affreux “vide d’humanité”, “vide de fraternité” tant de la part de deux fils d’un même père.
Au-dessus de tout, il y a le drame de ce Père - Dieu - qui n’est pas en mesure de mettre la paix entre ses fils. Et alors que ce soit à cause de la famine, de la crise financière ou du trou dans l’estomac, peu importe tant que cela nous aide à réveiller nos consciences. D’un point de vue de la foi, la valeur suprême est la miséricorde, et d’un point de vue laïque, la tolérance. Ainsi on pourrait dire que “miséricorde et tolérance” sont le bras droit et gauche de Dieu, qui veut embrasser tous ses enfants: ceux qui se sont perdus, et ceux qui sont restés, ceux de gauche comme ceux de droite!
Amen
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