Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes
Année C - II de Carȇme (Lc 9, 28-36)
par André De Vico, prêtre
correction française: merci à mes amis
“Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui: c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem”
Après un brusque début du Carême, avec les tentations de Jésus, voici une page lumineuse, un chemin à faire, une montagne à gravir. Sur le lieu de la Transfiguration, nous découvrons la surprenante présence de Moïse et d’Élie, les plus hautes autorités de l’Ancien Testament, vécues respectivement au treizième et neuvième siècle avant J.-C. Que font-ils là, les deux, ensembles?
Bien évidemment, les deux personnages représentent la Loi et les Prophètes, qu’une longue tradition avait déjà paisiblement jumelée dans le Livre de Dieu. Leur remarquable présence au Tabor signifie l’attente d’Israël qui s’accomplit dans la personne de Jésus: ils viennent lui rendre hommage! Ce ne sont donc pas des momies ressuscitées, ni des fantômes matérialisés, ni des entités réincarnés: ils sont bien vivants, vivants, vivants, et si bien assimilés à la gloire de l’Éternel !!! Toutefois, leur statut d’êtres si anciens et vénérables ne leur empêche pas d’avoir un … intérêt sincère pour l’actualité: ils sont en train de parler avec Jésus de choses graves qui vont se produire, avant l’imminence de Pȃques. Ils sont venus à la veille de ces événements pour le soutenir, pour lui donner le courage nécessaire.
Le tout se passe devant les yeux stupéfaits de quelques disciples, futurs témoins de la nuit la plus noire du monde, de l’abandon le plus terrible de l’univers, comme pour dire: au moment du Golgotha, n’oublie pas le Tabor! Et dans toute souffrance, accroche-toi au petit grain de la gloire qui sera là, dans la souffrance elle-même, comme le principe de la guérison se cache dans la maladie! On voit ici une anticipation de la résurrection, un avant-goût de la résurrection que Jésus offre à ses intimes (donc à nous), pour qu’eux aussi, forts de cette vision anticipée de sa gloire, continuent leur chemin successif, dans l’histoire! Pierre voudrait demeurer indéfiniment dans cette extase céleste indescriptible, mais il est soudainement incité par Jésus à retourner vers le bas, dans la vallée.
Il en est ainsi de toute expérience mystique authentique: un éclair de lumière occasionnelle, qui vient quand on s’y attend le moins. Pour le reste, tout se ramène à la vie quotidienne normale. La mystique n’est pas un luxe pour des âmes exceptionnelles, elle pourrait même s’avérer démoniaque. Si on ose demander - ou tout simplement désirer - des dons ou des révélations mystiques, en réalité on ouvre la porte à tout esprit, et on se rend disponibles à toute sorte de manipulation de leur part. Toute pratique et connaissance médiumnique et ésotérique, très à la mode aujourd’hui, à la longue, s’avère malavisée et trompeuse. Si, par la grâce de Dieu, quelque don - ou révélation - arrive, il faut l’accepter avec reconnaissance, mais sans rien demander d’autre, et sans oser aller plus loin. Le vrai chemin mystique est la vie elle-même, cette traversée du désert, cette nuit obscure, déjà si bien garnie de mystères et de douleurs durs à travailler!
“Plus de lumière”, aurait dit Goethe en mourant. Aujourd’hui, on enregistre des témoignages de la part de certaines personnes qui, après une dramatique expérience de coma et réanimation, font le rapport d’une “rencontre” avec une lumière divine, ou des êtres de lumière, après avoir traversé un tunnel obscur. De manière sceptique, on pourrait avancer l’hypothèse d’un spasme banal du nerf optique, ou l’effet lointain d’un traumatisme de naissance (le tunnel est le canal de naissance). Mais qu’ont-elles vu ces personnes qui se réveillent du coma? Un ange du Seigneur, un Christ, un Bouddha?
Eh bien, les expériences de ce genre-là, d’un côté, sont souvent en contradiction par elles-mêmes, comme les songes que l’on fait la nuit: ils sont bien réels en tant que songes, mais il nous est pratiquement impossible de leur donner une cohérence intime. Ces expériences ne peuvent donc rien apporter d’objectif autour l’existence de Dieu, de l’âme ou de l’“au de là”. En aucun cas on peut les traiter comme des preuves scientifiques, ou des argumentations théologiques, comme appui des vérités ultimes (mort, jugement, enfer, paradis), même si elles sont rapportées par des personnes équilibrées et dignes de foi.
D’un autre côté, ces expériences font partie d’un vécu personnel très important, elles ont une grande valeur humaine, elles constituent un témoignage sincère, à respecter et à considérer. Elles peuvent même être en mesure de susciter un véritable changement positif pour les jours qui restent à vivre: plus d’empathie, plus d’amour envers les autres. Nous devons donc dire “merci” aux personnes qui ont le courage de les raconter. Mais la conversion et la foi ne dépendent pas de cela. Pour un chrétien, la meilleure voie se cache dans la prière et dans l’attente liturgique du retour du Christ.
Après tout - pourquoi pas? - ce pourrait bien être le nerf optique. On pourrait même mesurer l’intensité de ce spasme et lui attribuer une grandeur, une statistique, mais il nous est aussi facile d’affirmer qu’un constat scientifique n’enlève rien à la valeur humaine de l’expérience. Bien au contraire, la science la rend d’autant plus significative: cela veut dire que la chimie et la matière organique également participerait à l’événement humain? Et mourir, n’est pas naître une deuxième fois? Dernièrement, ce sont les neurobiologistes qui ont pris le relais sur les grandes questions du psychisme humain, mais il n’y a rien à craindre: la science nous donne toujours plus d’arguments en faveur de la spiritualité de l’être humain, au fur et à mesure que les connaissances augmentent.
Un être humain qui brille comme le soleil? C’est l’anticipation d’une gloire qui nous attend! Un visage lumineux, ouvert à un sourire gentil, a quelque chose de divin: il est un signe de bonne conscience, tandis qu’un visage assombri par les mauvaises actions, ne fait que démasquer une existence vouée aux sombres et basses régions de l’esprit. L’ancien hymne “Adoro te devote” se termine par ces très beaux vers:
“Jésus, sous un voile je te vois ici, que tu réalises mon vœu je t’en prie: que je voie ta gloire révélée enfin, le bonheur de cette vue est mon seul destin!”
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