LA RESPONSABILITÉ PASTORALE

Année A - IV Dimanche de Pâques (Jn 10, 1-10)                                                                    Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes

par André De Vico, prêtre                          

correction française: Nicolas Donzé, toxicologue;

Anne Mayoraz, éducatrice

 

 

      “Celui qui entre dans l’enclos des brebis sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. Celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis” 

       

      L’image du pasteur, pour indiquer la fonction du gouvernement, est très ancienne: dans l’Ancien Testament, les chefs politiques et religieux étaient appelés bergers du peuple. Jésus tourne à lui l’ancienne métaphore de manière absolue: il est le bon berger, il est la barrière de protection, il est la porte d’entrée. Celui qui essaie de grimper par endroits et y pénètre secrètement, essayant de passer inaperçu, la nuit, n’est pas un berger, mais un étranger, un abusif, un voleur, quelqu’un qui le fait pour de l’argent. L’Église reçoit la tâche pastorale de Jésus et investit ses ministres dans le mandat pastoral. Nous avons une considération impressionnante de Saint Grégoire le Grand, Pape de 590 à 604:

 

      “La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux … nous ne pouvons le répéter sans une grande tristesse. Il y a des gens pour entendre dire de bonnes choses, il n’y en a pas pour les dire. Le monde est rempli de prêtres, mais on rencontre rarement un ouvrier dans la moisson de Dieu ; nous acceptons bien la fonction sacerdotale, mais nous ne faisons pas le travail de cette fonction … Nous avons glissé vers des affaires extérieures et la charge honorable que nous avons acceptée est bien différente des fonctions que nous exerçons en fait. Nous abandonnons le ministère de la prédication et c’est pour notre châtiment, je crois, qu’on nous appelle évêque, car nous en avons le titre, mais nous n’en avons pas la valeur. En effet, ceux qui nous ont été confiés abandonnent Dieu, et nous nous taisons … nous avons négligé le ministère de notre tâche propre” (Lit. Lect, Samedi XXVII semaine)

 

      Le texte est d’une pertinence et d’une actualité déconcertantes. Il rapporte des choses capables d’envoyer au dépotoir une entière hiérarchie qui se construit sur des bases et des ambitions humaines. Sous le plan de sa subsistance, le berger reçoit ce dont il a besoin quotidiennement, mais si dans l’esprit du pasteur il y a la perspective d’une accumulation de biens et d’argent  pour assurer sa vie et profiter de la retraite, alors l’argent ne sera jamais suffisant. Bien au contraire: il augmentera le jeu de loterie de ceux qui feront la fête après ses funérailles.

       

      Le pasteur malhonnête, issu des affaires terrestres, du commerce charnel et des compromis avec le monde, se limitera à un semblant de pastorale, parfois même pas. Il se déplacera en secret, il tentera de passer inaperçu, il effacera les traces de son passage. Il lèvera une nébuleuse d’événements pour camoufler son comportement anormal, son style pervers. À un certain moment, en fait, il ne se soucie plus des gens qui lui ont été confiés: “que tous fassent ce qu’ils veulent”. À ce point-là, cela veut dire que le pasteur a échoué à sa mission. Est-ce la faute des autres? Ou essaie-t-il - par ces paroles - de légitimer les exigences de sa double vie, en ne demandant qu’à être laissé seul, en paix?

 

      Cependant, cela n’exonère pas entièrement le peuple. Ce n’est pas que les mauvais dirigeants sortent de nulle part comme des champignons non-comestibles: ils surgissent par écrémage, comme le beurre qui sort du lait, et ils nous représentent même dans la méchanceté humaine. Partout où il y a un pasteur mercenaire ou un politicien corrompu, celui-ci vient viennent d’en bas, de la déférence du niveau inférieur qui honore le pouvoir, l’idolâtrant peut-être, en vue de faveurs et de privilèges particuliers. Il y a des moments dans l’histoire d’une communauté où le Seigneur est tellement fatigué de ce peuple, qu’il nomme le pasteur qu’ils méritent, comme pour dire: voyez comment vous êtes faits! Dans la même lecture citée, il est dit que:

 

      “Souvent en effet la langue des prédicateurs est paralysée par leurs [des gens] mauvaises dispositions … c’est par la faute de leurs peuples que les supérieurs s’abstiennent de prêcher. Et que la parole des prédicateurs soit arrêtée par les vices de leurs peuples, le Seigneur le dit à Ézéchiel: ‘Je ferai adhérer ta langue à ton palais, tu seras muet et tu cesseras de les avertir, car c’est une engeance de rebelles’ (Ez 3, 26). Comme s’il disait clairement: ‘La prédication te sera enlevée car, puisque ce peuple me défie par sa conduite, il ne mérite pas d’être exhorté à la vérité’ ”. 

 

      Heureusement, les bons bergers qui viennent nous rappeler comment Dieu est fait, ne sont pas si rares! Bien sûr, la communauté n’est jamais idéale, le troupeau est composé en grande partie de moutons faibles, défectueux, malades, blessés, égarés, perdus ... mais le berger qui agit selon le cœur de Dieu ne s’arrête pas juste pour cela, il ne se résigne pas à travailler dans l’anonymat, il ne se cache pas, mais il fait comme Jésus, il va chercher les malades, pas les personnes en bonne santé!

 

      Les compétences humaines ne sont pas nécessaires pour le bon berger, mais plutôt la sainteté de sa vie. Il n’a pas à être poète, musicien, psychologue, manager, entrepreneur, comptable, bureaucrate, organisateur, animateur ou médiateur socio-culturel: ces choses appartiennent aux laïcs confiés à ses soins. Le pasteur doit simplement être aux côtés de ses fidèles, appelant chacun par son nom, avec une attention saine, avec une attitude vigilante, le bâton à la main pour défendre la foi des agressions extérieures, et une houlette en bois doux pour encourager les personnes qui manquent de motivation. La relation pastorale, en effet, est une relation de réciprocité, comme le dit saint Jean-Paul II: “Le pasteur va essayer d’être proche d’eux, afin de savoir comment ils vivent, ce qui les rend heureux et ce qui dérange leur cœur ... [son ] le souci est de protéger le caractère personnel de la relation. Chaque personne est un chapitre en soi” (1)

  

      Observons l’activité des apôtres. Leur exercice pastoral repose sur quelques points essentiels: l’appel à la conversion, le baptême, la rémission des péchés, l’effusion du Saint-Esprit. Tout cela génère et forme la communauté chrétienne. Et s’il y a une communauté, nous pouvons aussi nous permettre le luxe d’organiser la pastorale dans ses différentes branches et de faire un Synode, par exemple. Après tout, qu’est-ce qu’un Synode, sinon une responsabilité pastorale partagée? En effet, chacun de nous, dans une certaine mesure, a une attribution d’autorité envers les autres: la famille, l’école, l’association, le groupe ... Que faisons-nous? Recherchons-nous nos intérêts, ou ceux des personnes qui nous ont été confiées? Nous sacrifierons-nous à leurs intérêts, ou nous attendons-nous à ce que  soient eux qui doivent se sacrifier pour nous?

            

      (1)  Cf. Giovanni Paolo II, “Alzatevi, andiamo!”, Libreria Editrice Vaticana - Mondadori 2004, pagg. 55-56  

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