Noël, II Dimanche (Gv 1, 1-18)
Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes
par André De Vico, prêtre
correction française: Nicolas Donzé, toxicologue;
Anne Mayoraz, éducatrice
“Le Créateur de toutes choses m’a donné un ordre, celui qui m’a créée a fixé ma demeure. Il m’a dit: ‘Viens demeurer parmi les fils de Jacob, reçois ta part d’héritage en Israël, enracine-toi dans le peuple élu’ ” (Sir 24, 8)
Aujourd’hui nous lisons une page de Ben Sira le Sage, un auteur biblique de 180 av. JC. L’influence de la pensée grecque y est évidente: la Sagesse (Sophia) est une qualité divine, un projet que Dieu a conçu dans son esprit. Cette Sagesse descend du ciel et “fixe sa tente en Jacob”. Un peu plus tard, Philon d’Alexandrie attribue les qualités de Sagesse au “Logos” divin. Enfin, Jean fait un pas décisif, reconnaissant le Logos-Sagesse de Dieu dans la personne de l’Enfant né à Bethléem. Comme le verbe grec employé (skènoûn) renvoie à la vie des nomades, une traduction plus exacte donne: “Et le Logos s’est fait chair et a planté sa tente parmi nous”.
Tout au long de l’Évangile de Jean, nous trouvons des expressions qui appliquent au Christ ce que les livres sapientiels disent de la Sagesse. Dans les paroles du Christ johannique, il y a une forte conscience de sa propre origine divine: il est sorti du Père comme la Sagesse est sortie de la bouche du Très-Haut (Sir 24, 3); Jésus résume son histoire d’ aller-retour avec ces mots: “Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde; maintenant, je quitte le monde, et je pars vers le Père” (Jn 16, 28). À une autre occasion, le Christ dit aux Juifs: “Vous, vous êtes d’en bas; moi, je suis d’en haut. Vous, vous êtes de ce monde; moi, je ne suis pas de ce monde” (Jn 8, 23). Et en dialogue avec Nicodème: “Si vous ne croyez pas lorsque je vous parle des choses de la terre, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses du ciel? Car nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme” (Jn 3, 12-13).
Dans le livre de la Sagesse (7, 26), la Sagesse est considérée comme la lumière, comme un reflet de la lumière éternelle; le Christ johannique se présente comme la lumière du monde. Cette Sagesse n’a pas reçu la bienvenue de la part de tous: “Quand j’ai appelé, vous avez rechigné, quand j’ai tendu la main, nul ne s’en est soucié! Vous avez récusé tous mes conseils, vous n’avez pris à cœur aucune de mes critiques” (Pr 1, 24-25); dans l’Evangile de Jean, même le Logos fait chair a immédiatement connu le rejet du monde: “Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu” (Jn 1, 11).
La Sagesse divine prend l’initiative, c’est elle qui fait la plus longue partie du voyage pour atteindre les hommes. C’est elle qui fait le tour des cieux et parcourt les profondeurs des abîmes cherchant un endroit pour planter sa tente. La sagesse sort d’elle-même pour rencontrer l’homme, elle les cherche au long des routes, sur les chemins à travers les collines, aux portes de la ville, dans les lieux publics et au milieu de la foule, dans les lieux de passage où les hommes se croisent, entrelacent les influences, prennent des décisions, criant plus fort que jamais.
Dans le livre des Proverbes, la Sagesse construit une maison, prépare un banquet et envoie une invitation par toutes les places de la ville: “Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé” (Pr 9, 5). Mais le banquet de la Sagesse est peu fréquenté, sa nourriture ne séduit pas, et sa maison encore moins. Il y a une concurrente effrontée qui a ouvert son local juste à l’autre coin de la rue. Inutile de dire que de ce côté les affaires prospèrent: c’est la maison de madame la Folie.
Les hommes préfèrent festoyer avec elle, avec le revenu de l’injustice et de l’impiété: “Bien douce est l’eau qu’on a volée, savoureux, le pain pris en secret!” (Pr 9, 17)
Aujourd’hui, deux mille six cents ans plus tard, si nous allons dans un centre commercial, nous retrouvons plus ou moins la même scène: différentes marchandises creusent leur niche dans le marché avec une extrême facilité et trouve une marée de gens pris par la maladie de l’acheteur, tandis que la Sagesse reste seule, sans compagnie, comme une femme vertueuse sans prétendants! Si un prophète de la Sagesse disait: que faites-vous là? pourquoi vous achetez-vous toutes ces choses qui ne servent pas et ne vous satisfont vraiment pas? venez plutôt à la maison de la sagesse!, cet homme serait pris pour un cinglé et immédiatement expulsé par le service de sécurité.
Le Logos n’écrase pas l’homme sous son autorité, mais il devient dia-logos. Le Sagesse-Logos de Dieu n’annule pas l’homme, mais l’élève à sa stature. À la descente de la Sagesse divine, doit correspondre une élévation de nous-mêmes, de notre part!
Amen
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